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Russie : 14e train de sanctions

Affaires - International
Transport - Douane
10/07/2024
Le règlement 2024/1745 du 24 juin 2024 modifie au 25 juin 2024 diverses restrictions commerciales déjà existantes contre la Russie et en ajoute de nouvelles s’agissant de navires, du GNL, de biens culturels ukrainiens ou encore des articles communs hautement prioritaires. Présentation générale et de détail.
Le règlement 2024/1745 du 24 juin 2024 modifie le règlement no 833/2014 du 13 juillet 2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine. Ce règlement 2024/1745, qui constitue le 14e paquet de sanction contre la Russie, entre en vigueur le 25 juin 2024.
 
Présentation générale
 
Selon le communiqué de la Commission européenne, qui expose l’esprit des restrictions, ce 14e paquet contient de nouvelles mesures importantes liées à l'énergie, qui ciblent le gaz naturel liquéfié (GNL) à l’exportation et à l’importation, et des mesures ciblant les navires qui contribuent à la guerre menée par la Russie (à l’importation). Ce document indique notamment que « l'un des principaux objectifs reste de continuer à limiter les recettes russes et de renforcer les restrictions à l'exportation de biens industriels et de technologies de pointe », que ce 14e paquet « restreint les exportations de neuf biens à double usage et biens technologiques de pointe supplémentaires (amplificateurs hyperfréquences et amplificateurs d'antenne, enregistreurs de données de vol, véhicules tout-terrain, etc.) et étend les interdictions d'exportation de certains types de produits industriels, chimiques, plastiques, pièces de véhicules et machines (…) » et que l'exportation de minerai de manganèse ou d’hélium est désormais interdite. Enfin, il précise que l'interdiction de l'importation de diamants russes est affinée : l'interdiction ne s'applique pas aux diamants qui se trouvaient dans l'UE ou dans un pays tiers (autre que la Russie) ou qui ont été polis ou fabriqués dans un pays tiers avant l'entrée en vigueur de l'interdiction des diamants russes (principe du maintien des droits acquis) ; l'importation ou l'exportation temporaire de bijoux, par exemple pour des foires commerciales ou des réparations sont possibles (Commission européenne, Communiqué de presse, 24 juin 2024). Sur ce sujet, voir aussi les Questions et réponses sur le quatorzième train de mesures restrictives contre la Russie, 24 juin 2024.

Restrictions modifiées dans le détail
 
Le règlement 2024/1745 modifie les articles suivants :

— l’article 2 bis s’agissant des biens susceptibles de contribuer au renforcement militaire et technologique de la Russie ou au développement du secteur de la défense et de la sécurité : la référence au projet Paks II est supprimée dans la dérogation du § 4 à l’interdiction de transfert ou de l'exportation de ces biens et technologies, ce projet faisant l’objet d’une exclusion générale à l’application du règlement n° 833/2014 introduite par l’article 12 quindecies issu de ce règlement 2024/1745 (voir ci-dessous) ;
— l’article 3 quater s’agissant des biens propices à une utilisation dans le secteur de l'aviation ou de l'industrie spatiale : une dérogation à l’interdiction d’exportation est ajoutée dans le § 6 septies ;
— l’article 3 octies s’agissant de l’interdiction d'importer dans l'UE des produits sidérurgiques : là aussi on supprime la référence au projet Paks II ;
— l’article 3 decies s’agissant de l’interdiction d’importer les biens qui génèrent d'importantes recettes pour la Russie : on supprime de la dérogation prévue au § 3 quater la référence au projet Paks II ; on supprime les exclusions dans le temps du § 3 quater bis (qui visait les biens relevant des codes NC 7205, 7408, 7604, 7605, 7607 et 7608, pour lesquels les interdictions énoncées aux § 1 et 2 ne s'appliquaient pas à l'exécution jusqu'au 20 mars 2024 des contrats conclus avant le 19 décembre 2023, ou des contrats accessoires nécessaires à l'exécution de tels contrats) ; on ajoute une dérogation (§ 3 quater sexies : pour les biens qui se trouvaient physiquement en Russie avant l'entrée en vigueur de l'interdiction concernant les biens relevant des codes NC 8471, 8523, 8536 et 9027, énumérés à l'annexe XXI, après avoir établi que ces biens sont des composants de dispositifs médicaux et sont introduits dans l'Union à des fins d'entretien, de réparation ou de retour de composants défectueux) et une exclusion (§ 3 quater septies : pour les biens relevant des codes NC 28042910 et 284540, les interdictions énoncées aux § 1 et 2 ne s'appliquent pas, jusqu'au 26 septembre 2024, à l'exécution des contrats conclus avant le 25 juin 2024 ou des contrats accessoires nécessaires à l'exécution de tels contrats) ;
— l’article 3 duodecies s’agissant de l’interdiction d’importer des biens susceptibles de contribuer notamment au renforcement des capacités industrielles russes énumérés à l'annexe XXIII : on supprime notamment de la dérogation prévue au § 5 c) la référence au projet Paks II ;
— l’article 3 septdecies s’agissant de l’interdiction d’importation de diamants ;
— l’article 5 quindecies s’agissant de l’interdiction d’exportation de logiciels : on supprime au point f la référence au projet Paks II ;
— l’article 12 s’agissant de l’anti-contournement ;
— l’article 12 ter pour prolonger des dérogations dans le temps ;
— l’article 12 octies s’agissant de l’ajout d'interdiction de réexportation dans les contrats.
 
Le règlement 2024/1745 modifie les annexes suivantes :

— l’annexe IV des personnes soumises à des restrictions plus strictes à l'exportation des biens et technologies à double usage (BDU) ;
— l’annexe VII sur les biens susceptibles de contribuer au renforcement militaire et technologique de la Russie ou au développement du secteur de la défense et de la sécurité qui est remplacée ;
— l'annexe VIII des pays partenaires qui est remplacée et comporte désormais les USA, le Japon, le Royaume-Uni, la Corée du Sud, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suisse, le Liechtenstein et l’Islande ;
— l’annexe XXI des biens générant d'importantes recettes pour la Russie pour ajouter l’hélium ;
— l’annexe XXIII des biens susceptibles de contribuer notamment au renforcement des capacités industrielles russes qui est remplacée ;
— l'annexe XXXVI des pays partenaires qui appliquent un ensemble de mesures restrictives aux importations de fer et d'acier qui est remplacée et comporte désormais la Suisse, la Norvège, le Royaume-Uni et le Liechtenstein ;
— l'annexe XL des articles communs hautement prioritaires qui est remplacée.
 
Restrictions ajoutées dans le détail
 
Navires contribuant à la guerre. – Le règlement 2024/1745 ajoute un article 3 vicies qui vise tout navire figurant à l'annexe XLII (qu’il introduit), et interdit notamment, directement ou indirectement, d'importer dans l'Union, d'acheter ou de transférer un tel navire (§ 1, b), d'exporter un tel navire (§ 1, c), ou encore de de procéder à des transferts de navire à navire ou à tout autre transfert de cargaison avec un tel navire ou d'acquérir des services auprès d'un tel navire (§ 1, h). Une exclusion est prévue au § 3 (pour le sauvetage des marins, un mobile humanitaire, etc.).

Gaz naturel liquéfié (GNL). – Le règlement 2024/1745 ajoute un article 3 unvicies qui interdit de transférer ou d'exporter, directement ou indirectement, des biens et des technologies et de fournir, directement ou indirectement, des services à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme en Russie lorsque ces biens, technologies et services sont destinés à l'achèvement de projets liés au gaz naturel liquéfié qui sont en cours de construction, tels que des terminaux et des installations. Cette interdiction est, jusqu'au 26 septembre 2024, sans préjudice de l'exécution des contrats conclus avant le 25 juin 2024 ou des contrats accessoires nécessaires à l'exécution de tels contrats.
Le règlement 2024/1745 ajoute aussi un article 3 duovicies qui interdit d'importer ou de transférer, directement ou indirectement, du gaz naturel liquéfié relevant du code NC 2711 11 00, originaires de Russie ou exportées depuis la Russie, par l'intermédiaire de terminaux de gaz naturel liquéfié de l'Union non raccordés au réseau de gaz naturel interconnecté. Cette interdiction ne s'applique pas, jusqu'au 26 juillet 2024, aux contrats conclus avant le 25 juin 2024 ou aux contrats accessoires nécessaires à l'exécution de tels contrats, et elle n'affecte pas la fourniture de GNL d'origine russe depuis le territoire continental d'un État membre vers ses régions ultrapériphériques.

Biens culturels ukrainiens. – Le règlement 2024/1745 ajoute un article 3 ter vicies qui interdit d'importer, de transférer, ou d'exporter, directement ou indirectement, des biens culturels ukrainiens et d'autres biens présentant une importance archéologique, historique, culturelle, scientifique rare ou religieuse, lorsqu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner que ces biens ont été sortis d'Ukraine sans le consentement de leur propriétaire légitime ou ont été sortis d'Ukraine en violation du droit ukrainien ou du droit international. Cette interdiction ne s'applique pas s'il est prouvé soit que les biens ont été exportés d'Ukraine avant le 1er mars 2014, soit que les biens sont restitués en toute sécurité à leurs propriétaires légitimes en Ukraine.
 
Respect des règles par le secteur privé. – Très général, l’article 8 bis est ajouté par le règlement 2024/1745 : il dispose que « les personnes physiques et morales, les entités et les organismes mettent tout en œuvre pour s'assurer que toute personne morale, toute entité ou tout organisme établis en dehors de l'Union qu'ils détiennent ou contrôlent ne participent pas à des activités qui mettent à mal les mesures restrictives prévues par le règlement », vraisemblablement le règlement n° 833/2014.
 
Articles communs hautement prioritaires. – S’agissant de ces biens énumérées à l'annexe XL (qu’il modifie), le règlement 2024/1745 ajoute un article 12 octies ter qui prévoit en son § 1 que, à partir du 26 décembre 2024, les personnes physiques ou morales, les entités et les organismes qui transfèrent ou exportent ces marchandises : d’une part, prennent les mesures appropriées, proportionnellement à leur nature et à leur taille, pour identifier et évaluer les risques d'exportation vers la Russie et d'exportation en vue d'une utilisation en Russie de tels biens ou technologies, et veillent à ce que ces évaluations des risques soient documentées et tenues à jour ; d’autre part, mettent en œuvre des politiques, des contrôles et des procédures appropriés, proportionnellement à leur nature et à leur taille, visant à atténuer et à gérer efficacement les risques d'exportation vers la Russie et d'exportation en vue d'une utilisation en Russie de tels biens ou technologies, que ces risques aient été identifiés à leur niveau ou au niveau de l'État membre ou de l'Union. Ces obligations ne s'appliquent pas aux personnes physiques ou morales, aux entités et aux organismes qui vendent, fournissent ou transfèrent ces marchandises uniquement au sein de l'Union ou à des pays partenaires inscrits sur la liste figurant à l'annexe VIII ci-dessus du règlement n° 833/2014 (§ 2). Toujours à partir du 26 décembre 2024, les personnes physiques ou morales, les entités et les organismes veillent à ce que toute personne morale, toute entité ou tout organisme établis en dehors de l'Union qu'ils détiennent ou contrôlent et qui transfère ou exporte ces marchandises mette en œuvre les obligations précitées (§ 3), sauf si, pour des raisons qui ne sont pas de son fait, une personne physique ou morale, une entité ou un organisme ne peut pas exercer un contrôle sur la personne morale, l'entité ou l'organisme qu'il détient (§ 4).
 
Projet Paks II. – Le règlement 2024/1745 ajoute un article 12 quindecies qui prévoit pour le projet Paks II que les interdictions prévues par le règlement n° 833/2014 ne s'appliquent pas aux activités nécessaires à l'établissement, à l'exploitation, à l'entretien, à l'approvisionnement en combustible et au retraitement du combustible et à la sûreté des capacités nucléaires civiles, et à la poursuite de la conception, de la construction et de la mise en service exigées pour la réalisation d'installations nucléaires civiles, à condition que toute activité de ce type ait été notifiée par des personnes physiques et morales, des entités et des organismes dans un délai de deux semaines à compter du début de ladite activité à l'autorité compétente de l'État membre dans lequel ils résident, sont situés, établis ou constitués. La référence au projet précité qui est ainsi généralisée est supprimée des autres articles du règlement (voir ci-dessus).
Source : Actualités du droit